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Global Dialogue
Earth Community Organization (ECO)
the Global Community


Jean-Guy Vaillancourt
Professeur de sociologie de l’environnement
Département de sociologie
Université de Montréal
et
Steven Guilbeault
Responsable de la campagne
Climat et énergie
Greenpeace Canada
jean.guy.vaillancourt@umontreal.ca
Greenpeace : www.greenpeace.ca


for Discussion Roundtables1, 25, 26, 28, 30, 32, 36 and 47


Table of Contents

1.0    Changements climatiques. La complémentarité des scientifiques et des acteurs de la société civile Read
2.0    Article 2
3.0    Article 3
4.0    Article 4
5.0    Article 5
6.0    Article 6








 
Changements climatiques. La complémentarité des scientifiques et des acteurs de la société civile

Malgré les tentatives de quelques gouvernements à la remorque de certaines entreprises multinationales qui ont intérêt à minimiser le problème, la question des changements climatiques a pris beaucoup d’importance depuis une quinzaine d’années. Les scientifiques ont joué un rôle de premier plan dans l’analyse et la compréhension de ce phénomène complexe. Au début des années 80, la course aux armements entre les deux super-puissances de l’époque, les U.S.A. et l’U.R.S.S., faisait craindre la possibilité, sinon l’imminence d’un hiver nucléaire, qu’une guerre nucléaire n’aurait pas manqué de déclencher. Graduellement, c’est plutôt la peur d’un réchauffement climatique, et plus largement de changements et de perturbations climatiques majeures, qui est devenue l’une des principales préoccupations environnementales de notre temps.

I - Le rôle des scientifiques
Les sciences naturelles, et jusqu’à un certain point certaines sciences sociales, ont contribué à sensibiliser l’opinion publique et plusieurs gouvernements aux dangers que représente ce problème environnemental global le plus sérieux qui menace actuellement l’avenir des humains, et les autres formes de vie sur la planète Terre.

La première grande conférence mondiale sur les changements climatiques a eu lieu en 1979 à Genève en Suisse, sous les auspices de l’Organisation mondiale de météorologie (OMM). C’est aussi en 1979 que parut le fameux rapport de la National Academy of Sciences qui disait que la température de la planète augmenterait si on continuait d’émettre autant de CO2 dans l’atmosphère Terrestre. Six ans plus tard, en 1985, une conférence internationale d’experts sur le climat à Villach en Autriche, aboutit à une sérieuse mise en garde sur le réchauffement global par l’effet de serre occasionné par la combustion d’énergies fossiles.

L’année 1988 fut un point tournant crucial pour la prise de conscience mondiale sur les changements climatiques. C’est en 1988 qu’eut lieu la Conférence de Toronto sur le climat et le réchauffement global, ainsi que la création, par le Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation mondiale de météorologie (OMM), du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), mieux connu sous son nom anglais de Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). Cette même année, à Hambourg en Allemagne, se tint un congrès international sur le climat et le développement, qui fit connaître les conséquences désastreuses qu’auront les catastrophes climatiques sur les pays pauvres, particulièrement de petits pays insulaires.

Ce sont surtout les travaux du GIEC qui servent de référence de base à l’élaboration du discours des acteurs sociaux et politiques, tout particulièrement les aspects « scientifiques » de ce discours. Par ailleurs, on ne peut nier que ces travaux sont en partie influencés par les acteurs gouvernementaux et les groupes de la société civile. Ce discours scientifique est intimement lié aux représentations que se font les ONG de la question des changements climatiques. Il y a donc interdépendance entre ces deux types d’acteurs ainsi qu’entre eux et les acteurs gouvernementaux, de sorte qu’on peut aller jusqu’à parler d’un discours scientifique en partie socialement et même politiquement élaboré, dans le cas des travaux du GIEC, dont le mandat est d’évaluer les meilleures connaissances scientifiques sur les changements climatiques, et de proposer des stratégies de réponse « réalistes » à propos de ceux-ci.

En 1989, suite à une réunion internationale à Ottawa sur la protection de l’atmosphère, une conférence sur la pollution atmosphérique et les changements climatiques à Noordwijk en Hollande, demanda la stabilisation des émissions de CO2 pour l’an 2000. L’année 1990 fut l’année la plus chaude, et la décennie 1980-1990 fut la décennie la plus chaude depuis le XIIe siècle. En cette même année 1990, à la 2e conférence mondiale sur le climat à Genève, 138 pays tentèrent de fixer des objectifs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais les États-Unis et l’U.R.S.S. s’y opposèrent, alors que le Japon et la Communauté européenne s’engagèrent à atteindre des objectifs précis.

La table a donc été mise durant plus d’une décennie, par les scientifiques notamment, en vue du lancement au Sommet de la Terre de Rio de 1992, de la Convention-cadre sur les changements climatiques. Cette convention a pris force de la loi en 1994, après avoir reçu les 50 ratifications nationales nécessaires. C’est alors qu’on est passé d’une convention, toujours non-contraignante à la mise sur pied d’un protocole qui le sera un jour.

De Toronto à Milan (1988-2003)
1988 - Conférence de Toronto
- Création du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évaluation du Climat (GIEC), PNUE-OMM
1989 Conférence d’Ottawa sur l’atmosphère
1990 1er Rapport d’évaluation du GIEC
1992 Sommet de la Terre de Rio. Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques
1995 1ère Conférence des Parties (COP 1), Berlin
2e Rapport d’évaluation du GIEC
1996 2e Conférence des Parties (COP 2), Genève
1997 3e Conférence des Parties (COP 3), Kyoto Protocole de Kyoto : début de la collecte des signatures
1998 4e Conférence des Parties (COP 4), Buenos Aires
1999 5e Conférence des Parties (COP 5), Genève
2000 6e Conférence des Parties (COP 6), La Haye
2001 6e Conférence des Parties-suite (COP 6.5), Bonn 7e Conférence des Parties (COP 7), Marakesh 3e Rapport d’évaluation du GIEC
2002 Sommet de la Terre de Johannesbourg 8e Conférence des Parties (COP 8), New Delhi
2003 9e Conférence des Parties (COP 9), Milan
2004 10e Conférence des Parties (COP 10), lieu à déterminer

Malgré la publication de nombreux plans d’action, de 9 conférences des parties, de trois rapports de plus en plus précis et pointus du GIEC, de la signature du Protocole chiffré de Kyoto en 1997 pour réduire les rejets de gaz à effet de 6 % par rapport à 1990 pour la période 2008-2012, d’une autre décennie avec des années records de réchauffement entre 1990 et 2000, et de nombreuses conférences de scientifiques sur le climat, malgré les appels des scientifiques, des gouvernements et surtout des ONG qui sont le fer de lance de l’action dans ce domaine, le Protocole de Kyoto n’est pas encore mis en acte officiellement en ce début de 2004, parce qu’il manque encore la signature des États-Unis ou de la Russie. Pour les États-Unis, il ne faut pas y compter car Bush et sa clique d’extrémistes de droite à la solde de l’industrie pétrolière et automobile des États-Unis refusent l’évidence. Par ailleurs, il est fort possible que la Russie ratifie finalement en 2004, comme l’a promis à maintes reprises le Président Poutine. C’est alors seulement que sera vraiment amorcé de façon sérieuse le long travail nécessaire pour enrayer les impacts négatifs de l’action humaine sur le climat Terrestre. Ce protocole sera un premier pas qui permettra de s’engager finalement avec sérieux dans un long processus de ralentissement du gaspillage de combustibles fossiles, et par conséquent, dans un réel effort de contrôle des changements climatiques et du réchauffement global.

II - Le rôle des ONG
Si la question des changements climatiques a pris beaucoup d’ampleur au cours des dernières années grâce aux scientifiques qui ont joué un rôle de premier plan dans l’étude et la compréhension de ce phénomène, c’est toutefois l’action des organisations non-gouvernementales (ONG) qui a servi à simplifier et à diffuser l’information sur les changements climatiques et c’est, entre autres, grâce à cette action que des ententes comme celle du Protocole de Kyoto ont pu voir le jour.

Il existe un réseau international structuré d’ONG travaillant sur la question des changements climatiques : le Réseau Action Climat (RAC). Ce réseau est composé de groupes internationaux comme Greenpeace, le Fonds mondial pour la Nature (WWF), les Amis de la Terre et des groupes régionaux et locaux. Au Canada seulement, on compte une centaine de groupes membres du réseau canadien. Le réseau international permet aux groupes membres d’échanger des informations et des points de vue sur les négociations mais également de prendre des positions conjointes appuyées par des organismes partout sur la planète. Ces prises de position servent de plate-forme de base pour les groupes présents lors des rencontres internationales comme celles de Kyoto en 1997 et plus récemment en décembre 2003, à la 9e Conférence des parties à Milan. De plus, ce réseau permet d’approfondir la compréhension par les groupes des enjeux les plus complexes, puisque plusieurs des groupes se spécialisent dans l’étude de certains aspects spécifiques et ils en font bénéficier l’ensemble des membres du réseau. Lors des rencontres internationales, les informations privilégiées du réseau sont transmises aux délégations officielles. À ce titre, le rôle joué par des organisations environnementales internationales comme Greenpeace est d’une importance capitale, notamment pour les délégués des pays ayant un très petit nombre de représentants sur place et possédant une connaissance limitée des enjeux les plus complexes, généralement les plus stratégiques.

Nous décrirons dans cette section le travail de Greenpeace lors de conférences internationales sur les changements climatiques comme celle de Kyoto en 1997 et celle de Milan en décembre dernier. Cependant, bien que l’exemple utilisé soit celui de Greenpeace, un travail similaire est effectué par plusieurs ONG participant à ces rencontres. La croyance populaire qui veut que les prises de position des ONG sur les changements climatiques soient farfelues, et non fondées sur des études scientifiques, est tout à fait erronée. La délégation de Greenpeace, par exemple, est composée, entre autres, de physiciens, de chimistes, de biologistes et de modélisateurs, mais également d’ingénieurs, de sociologues, d’économistes et de personnes ayant participé aux négociations internationales depuis plusieurs années, dans certains cas depuis le tout début. De plus, plusieurs des membres de Greenpeace collaborent étroitement avec le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le groupe de scientifiques chargé par les Nations-Unies de travailler sur les changements climatiques. Certains représentants de Greenpeace agissent d’ailleurs à titre d’auteurs ou de collaborateurs dans le cadre des travaux du GIEC.

Le travail des délégués de Greenpeace commence plusieurs mois avant les rencontres internationales, par la publication de documents sur les grands enjeux, sur les résultats escomptés, sur les pièges à éviter et sur les échappatoires du Protocole. Plusieurs scénarios sont élaborés à partir des propositions des pays présents (Canada, États-Unis, Communauté européenne...). Ces scénarios permettent de quantifier l’impact des propositions par rapport aux objectifs de réduction des GES de chacun des pays. Soulignons que selon les calculs de Greenpeace, (corroborés par d’autres ONG mais aussi par quelques gouvernements), si certains mécanismes du Protocole de Kyoto (comme les puits de carbone et le Mécanisme de développement propre) sont utilisés de façon inadéquate, le Protocole de Kyoto pourrait alors devenir un instrument qui occasionnerait non pas une réduction, mais plutôt une augmentation de plus de 15% des émissions de GES.

Grâce aux connaissances techniques et à l’expérience des membres de l’équipe de Greenpeace, il est souvent possible de produire ces scénarios à brûle pourpoint. C’est précisément ce qui est arrivé à La Haye en l’an 2000. Lorsqu’une nouvelle proposition (ou un amendement) était apportée par un pays, cette nouvelle proposition était traduite en termes concrets par Greenpeace, afin que les délégations ne bénéficiant pas d’une aide technique sur place puissent en saisir la portée. D’ailleurs, il arrive que des groupes tels Greenpeace soient consultés par des délégations plus structurées techniquement comme la Communauté européenne, le Canada et les États-Unis. Plusieurs membres de la délégation de Greenpeace ont pour tâche d’entretenir des relations avec un ensemble de pays. Il y a donc des personnes à Greenpeace qui sont responsables des relations avec la Communauté européenne, l’Asie du Sud-Est, les Îles du Pacifique, l’Afrique francophone et anglophone, le Canada, les États-Unis, le Japon, etc. Le rôle de ces personnes est triple :

* Recenser l’information sur les positions proposées par les intervenants lors des négociations;
* Faire connaître les scénarios élaborés par Greenpeace en collaboration avec les autres ONG;
* Faire pression afin d’assurer la cohérence des mesures environnementales du Protocole.

Ces grandes rencontres internationales se terminent généralement par un marathon de négociations qui peut durer d’une journée à plusieurs journées consécutives. Dans le cas de La Haye, ce marathon a duré un peu plus de 24 heures, alors qu’à Kyoto en 1997, il avait duré plus de trois jours. Cette période critique des négociations exige une bonne vue d’ensemble des propositions et de leur impact sur les réductions d’émissions des GES. Or, il n’est pas rare de voir, à ce moment précis, des délégués officiels et parfois même des ministres venir consulter les ONG afin justement d’avoir la meilleure vue d’ensemble possible de la situation, ou encore pour obtenir une information ou un chiffre précis concernant une proposition.

Les acteurs tels les ONG servent donc de vecteurs à la fois de vulgarisation et de dissémination de l’information scientifique dans la population et aussi auprès des représentants gouvernementaux. Toutefois, ce processus ne se fait pas sans problèmes puisque la vulgarisation et la dissémination supposent que l’information scientifique soit adaptée et ressassée afin de la rendre plus accessible pour le public et pour les représentants des États. D’une part, les scientifiques sont souvent mal-à-l’aise avec les “raccourcis” pris par les ONG dans le feu de l’action, et à leur tour, ces derniers reprochent aux scientifiques d’avoir de la difficulté à communiquer clairement leur message.

Malgré ces difficultés, l’action des uns et des autres demeure essentielle à la mise en place de mesures qui permettront, à court, moyen et long terme, de faire face de façon adéquate aux défis que posent les changements climatiques. La coopération qui existe entre scientifiques et ONG environnementales dans le dossier des changements climatiques constitue sans contredit un bel exemple des rapports complémentaires et de la coopération entre les scientifiques et les acteurs de la société civile. Les scientifiques ont besoin des ONG et des politiciens pour faire passer leur message, mais la société civile et les États ne peuvent pas se passer des recherches des scientifiques pour que leur action soit efficace. Les chercheurs et les militants qui ont une formation et un intérêt dans les sciences sociales ont peut-être un rôle particulier d’intermédiaire à jouer pour faciliter le dialogue entre les sciences naturelles et la société civile.

Sites internet à consulter
GIEC : www.ipcc.ch
Greenpeace : www.greenpeace.ca
Réseau Action Climat : www.climateactionnetwork.ca
Secrétariat de la CCNUCC : www.unfccc.de
WWF : www.wwf.org



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